LES APPORTS DE LA COMMUNAUTÉ PORTUGAISE Á LA DIVERSITÉ ETHNO-CULTURELLE FRANÇAISE

Albano Cordeiro

Hommes & Migrations, 1999

L’immigration portugaise en France présente des spécificités uniques : c’est la première fois qu’une population nombreuse provenant d’un pays monoculturel et monolinguistique s’est établie en France. Forte de son identité collective nationale affirmée, cette population a su créer et maintenir de très actifs réseaux d’entraide et de solidarité, qu’ils soient  associatifs, familiaux, ou professionnels. Mais peut-on reproduire, d’une génération à l’autre, une identité culturelle « minoritaire », et donc assurer la transmission de cette  identité?

La présence de populations de différentes origines migrantes, qui se débarrassent de pratiques non socialisables dans le pays d’accueil, mais gardent les pratiques nécessaires au maintien de leur identité culturelle, apporte aux Etats-nations une diversité culturelle. La société, ses institutions, ses lois, son appareil d’éducation, devront pouvoir la gérer.

Ce n’est pas en termes d’intégration ou  de non-intégration que le problème des rapports entre population autochtone et population d’origine migrante devrait être posé, mais bien en termes de régulation de la diversité culturelle propre à telle ou telle société. Cette régulation vise la levée d’obstacles de tous ordres aux échanges interculturels (valorisation des cultures minoritaires, éducation à la tolérance), et à établir des modes de traitement des conflits en vue de prévenir leur dégénérescence en affrontements (usage de la violence) et de sortir du blocage de la communication, du dialogue et de la compréhension réciproque qu’ils peuvent provoquer.

Nous sommes ici devant une autre approche, distincte de celle qui vise à établir des hiérarchies d’intégration, et qui place les Portugais aux premières places.

Dans cette autre approche, l’observation et l’analyse de données concernant la population d’origine portugaise n’ont pas comme objectif de vérifier la conformité de cette population (pour autant que sa diversité n’annule toute tentative d’établir un profil unifiant) avec la modernité à la française, avec des « valeurs universelles françaises », ou de mesurer le degré de son attachement à la France (sous-entendu dans les questions des enquêtes, du genre: « vous sentez-vous français, portugais ou les deux ? »), ou encore de savoir combien d’échelons socio-économiques ils ont gravi depuis leur arrivée.

L’approche retenue ici s’attache aux spécificités des processus repérables dans l’immigration portugaise en France, à partir de l’état des connaissances sur cette immigration.

LES  PORTUGAIS DE FRANCE, LA PLUS GRANDE ET LA PLUS MECONNUE DES COMMUNAUTES ETRANGERES

Alors que, dès les années 70, les études sur l’immigration prennent leur essor, il est remarquable de constater que l’immigration portugaise, bien que rappelée ici et là (généralement de façon marginale) dans les documents et les ouvrages portant globalement sur ce thème, reste largement oubliée. La recherche dirigée par Michel Oriol à la fin des années 70 est l’exception qui confirme la règle. La recherche est, dès ces années-là, centrée sur l’immigration maghrébine, même lorsque celle-ci n’est pas spécifiquement nommée dans les intitulés. Non seulement l’immigration maghrébine suscite des recherches, mais des colloques entiers lui sont dédiés. La demande et l’intérêt des chercheurs et des étudiants sur l’immigration, et aussi la demande des institutions publiques qui financent la recherche publique, sont centrées sur les populations « qui- posent-problème », autrement dit, celles qui présentent un caractère de dangerosité sociale, ou encore celles qui, pour des raisons  historiques, sont perçues comme menaçantes pour l’identité nationale et pour lesquelles une connaissance de plus en plus poussée peut donner l’illusion de circonscrire cette même  menace. L’arrivée d’étudiants d’origine portugaise au niveau de mémoire de DEA et, plus rarement de thèse, a produit une frémissement autour de ce thème, mais -hélas- tout cela   este assez minoritaires par rapport aux travaux autour de l’immigration maghrébine.

 LES APPORTS DES PORTUGAIS A LA DIVERSITE ETHNIQUE ET CULTURELLE DE LA FRANCE

Parcourons ces apports à la diversité ethnique et culturelle de la France. Pour la première fois, une population nombreuse provenant d’un pays monoculturel et monolinguistique s’est établie en France. Les effets de ces caractéristiques sont visibles dans le mode selon lequel procède et avance leur insertion dans la société française. Ajoutées au peu de signification des différences régionales dans la population d’origine portugaise, ces caractéristiques font que, lorsque s’opérait, au début de l’immigration et à chaque vague d’arrivées, une concentration (locale) de Portugais, le potentiel de communication et

d’échange entre eux était fort. Plus encore que l’immigration polonaise de l’entre-deux-guerres l’arrivée et l’installation des Portugais connaît une vitesse de croissance jamais atteinte auparavant dans l’histoire de l’immigration en France. Cette croissance fait monter leur présence d’un niveau de 50 000 à un demi-million (du simple au décuple) en dix ans.

C’est exactement la vitesse de croissance qu’a connue l’immigration polonaise à l’époque citée, mais tandis que celle-ci s’arrête à ce niveau, les Portugais, eux, vont poursuivre leur croissance, grâce à des arrivées (essentiellement par le biais du regroupement familial)  et aux naissances (à cause de la présence d’un grand nombre de jeunes couples), jusqu’à  atteindre, en quinze ans, le niveau de 850 000, c’est à dire le niveau record qu’avaient atteint les Italiens dans les années 30.

Il s’agit d’une population non francophone. La non-francophonie dans l’histoire de l’immigration en France est associée aux arrivées de migrants provenant de pays indépendants, situés en Europe, ou, plus récemment, de pays non européens de langue officielle anglaise.

De cette non-francophonie résultaient, comme dans tous les cas semblables, de fortes contraintes. Mais la vitesse de croissance de cette population était telle que la taille critique des concentrations de Portugais permettait un échange d’informations sur la société environnante (logement, papiers, emploi, transports, santé, école). Ceci a largement facilité leur insertion, malgré l’absence de réseaux d »‘anciens » dans la plupart des endroits de France où ces noyaux de Portugais se formaient dans les années 60 et au début des années 70. La question de la francophonie/non-francophonie ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd’hui, au vu des durées de séjour accumulées et de la fréquentation

scolaire des enfants. La quasi-totalité des originaires du Portugal (arrivés adultes et descendants) est aujourd’hui francophone. Se pose, par contre, la question du maintien de cette langue non française qu’ils ont apportée en France. Parmi les jeunes adultes arrivants, la langue française est connue, et, pour ceux qui ne la connaissent pas, il n’est plus question d »‘alphabétisation », mais de l’apprentissage du français-langue étrangère. Les Français n’avaient pas de raisons historiques particulières de manifester de l’hostilité aux immigrés portugais. Les séquelles de conflits du passé entre les deux Etats (invasions napoléoniennes) étaient effacées par le temps. L’absence de contentieux historique aurait-elle été suffisante pour que les tendances xénophobes toujours présentes dans une partie de la population française ne se manifestent pas ?

 DES RESEAUX DE SOLIDARITE

Historiquement, toutes les immigrations ayant atteint une importance numérique de l’ordre de celle qu’a prise l’immigration portugaise dès les années 60 sont devenues la cible de campagnes xénophobes. Et, en effet, malgré la tendance à ne pas faire état des situations pénibles vécues, un certain « racisme anti-Portugais » rampant a été perçu dans les années 60. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler, ce racisme va largement s’émousser dans les années 70, en raison de la montée du racisme anti-Maghrébins. Cette conjoncture historique – dont d’autres immigrations dans le passé n’avaient pas « bénéficié » – permettra à la population portugaise (ou en tout cas une bonne partie de celle-ci) de poursuivre la construction d’une forme de vie communautaire à travers, entre autres, ses associations, à l’abri du regard des Français, et de s’investir dans la vie professionnelle (BTP, services aux particuliers), où ils entretiennent des réseaux de solidarité, ces réseaux (Portugais-Portugais et Portugais- Français) qui sont l’une des explications d’un taux de chômage inférieur à celui des actifs français. Les familles portugaises, tout au long de leur séjour, ne cesseront pas de se disperser (vicissitudes des itinéraires résidentiels). Le développement de leurs activités, professionnelles ou autres, va aussi les absorber et renforcer les liens avec des non-Portugais (Français ou pas). Pour un nombre croissant d’entre eux, la centralité du milieu portugais ne s’impose plus, bien que différentes formes de liens  puissent persister, entre ceux que l’on continue à entretenir lors du retour annuel au village et ceux d’ici, dans d’autres types d’activités (professionnelle, sportive, etc.), et pour la convivialité avec les amis d’antan.

UNE IDENTITE FORTE

Les immigrés portugais étaient issus d’un peuple possédant une identité nationale forte, de celles que l’on assume pacifiquement et fièrement. La méconnaissance de la langue du pays d’installation, une inadaptation initiale à la quotidienneté de la vie salariale en Milieu urbain, le déficit d’instruction scolaire, l’intériorisation de la dévalorisation de leur culture rurale vis-à-vis de la culture urbaine et celle de la condition d’immigré, constituaient toutefois des conditions défavorables à ce qu’eux-mêmes se prêtent à l’affirmation de la langue et de la culture portugaises dans l’espace publie.

Mais la communauté de destin qui les réunissait jouait encore comme rassembleur. Elle se manifestait concrètement par la multiplication des échanges à l’intérieur du groupe de Portugais concentrés dans tel ou tel bassin d’emploi ou zone d’habitation. Au départ, il y a un besoin d’échanges intenses d’information qui ne pouvait se réaliser que par la langue commune, et une identité nationale s’affirme, qui va se superposer aux identités villageoises, plus usuelles dans les échanges sociaux au Portugal. Il est aujourd’hui légitime de penser que le sentiment d’appartenance à une communauté de destin ne joue plus autant, au vu de la progressive singularisation des parcours individuels et familiaux en France, et de la montée concomitante de l’individualisme.

Une identité nationale affirmée et confirmée, dotée d’épaisseur historique, comme celle des Portugais (la plus vieille identité nationale stabilisée de l’Europe continentale), partagée par des centaines de milliers d’individus présents sur le territoire français, est une première dans l’histoire des apports de peuplement qu’a connus la France depuis un siècle.

Cette identité est toutefois relativement absente des espaces publics qu’offre la société française, par rapport, en particulier, à celle d’autres immigrations contemporaines, comme celle des Arabo-musulmans. Il semble que les premières générations (arrivées adultes), en proie à des problèmes pour faire vivre la famille, pour épargner et retourner au pays, prises dans le sentiment exprimé par la phrase « nous ne sommes  pas chez nous », n’ont pas eu le souci de faire valoir et faire connaître l’identité et la culture portugaises, par des

initiatives culturelles en direction des Français. Les descendants qui ont grandi ou sont nés en France ont été scolarisés et ont vécu le brassage non seulement avec les jeunes Français, mais aussi avec des jeunes d’autres origines. De cette socialisation découle la capacité d’agir et d’être présents dans les espaces publics.

Il n’est pas illogique d’avancer que les enfants de migrants portugais, si leur « part portugaise » résiste à la tendance française d’étouffement des identités culturelles, pourront faire valoir la leur dans les espaces publics, et pas seulement comme référence d’origine ou sur un mode folklorique, ou bien dans les espaces familiaux et associatifs.

L’intensité et la variété des réseaux développés par les immigrés portugais apportent aussi un élément de diversité, pas tant à cause de cette intensité et de cette variété qu’en raison de la taille de la communauté.

Cette affirmation nécessite des mises au point. Premièrement, il ne s’agit pas, en général, de réseaux « nationaux’ (dans toute la France), mais de réseaux locaux- Les réseaux qui sortent d’un cadre de proximité géographique peuvent être d’origine villageoise, mais, plus sûrement, ils relient des éléments de la même famille. Quelques réseaux associatifs, politiques et religieux, peuvent également relier et faire interagir des personnes situées dans diverses villes réparties dans toute la France, mais ils ne représentent pas la règle.

Deuxièmement, dans la phase actuelle, faut préciser qu’une large partie de la population d’origine portugaise ne se trouve plus dans les réseaux appelés par facilité « portugais », mais qui peuvent parfaitement être franco-portugais.

Cette richesse de réseaux est synonyme de liens sociaux vivants. Ces liens sont encore forts dans une large partie de la communauté portugaise qui fait -elle- partie de la société  française. Un développement des interactions au sein d’une communauté ne signifie pas l’enfermement ou le repli, termes souvent associés à la notion de communauté, mais il peut parfaitement coexister avec des échanges divers et intenses avec d’autres groupes. La communauté portugaise apporte à la société française, comme d’autres communautés issues de l’immigration, des espaces où les liens sociaux n’ont pas encore été délités, comme dans une  grande partie de cette même société, du moins dans sa partie urbaine et salariée.

LA TRANSMISSION DE L’IDENTITE CULTURELLE

L’idéologie de l’Etat-nation, développée en France comme peut-être nulle part au monde, fait  que la société française se limite à tolérer la diversité culturelle et mise sur la disparition, à moyen ou à long terme, des cultures minoritaires sous l’effet de la position dominante de la culture nationale officielle (par ailleurs unifiée et mythifiée dans sa représentation).

La langue, dont la maîtrise est indispensable pour avoir une qualification et pour accéder au marché du travail (les langues minoritaires ne l’étant pas), représente un très puissant handicap positif En l’absence de protection de la langue minoritaire (par refus idéologique du multilinguisme, en particulier), celle-ci ne peut que tomber en désuétude.

Mais le problème de la reconnaissance de la diversité culturelle est plus vaste que celui de la langue. La question nodale est celle de la possibilité de reproduire, d’une génération à l’autre, l’identité culturelle « minoritaire », et donc la transmission de cette identité (productrice d’appartenance). En l’absence de soutiens institutionnels, les unités sociales de base, au sein desquelles le sentiment d’appartenance à une culture minoritaire est reproduit, devront imaginer et créer des espaces d’échanges pluri-familiaux (associations, fêtes publiques, projets culturels de proximité, et autres initiatives) pour, faire face à la tendance inéluctable à la disparition de cette identité culturelle dans une société où est autorisée une seule appartenance culturelle supposée dérivée de la nation elle-même (bien que l’objectif d’homogénéité culturelle reste inatteignable).

Ceux  qui ont côtoyé la communauté portugaise ou vécu en son sein ne sont pas toujours d’accord quant au bilan de l’action des parents en ce domaine. Certes, une étude d’évaluation de ce que la génération des Portugais arrivés adultes en France ont transmis à leurs enfants, en termes de sentiment d’appartenance, restera toujours une entreprise téméraire. Néanmoins, bien que les résultats apparaissent comme dérisoires aux yeux de beaucoup de Portugais, en termes comparatifs, eu égard à d’autres exemples dans l’histoire de l’immigration en France, ils ne sont pas négligeables. Pour cela, plusieurs facteurs ont joué. Citons-en trois: la création d’espaces associatifs où quelques activités étaient

spécialement dirigées vers la progéniture des familles associées ; la plus fréquente était le groupe folklorique, mais aussi les fêtes et les excursions, quelques activités sportives (football pour les jeunes), etc. Quelques dizaines de milliers de jeunes sont passés par là ;  les cours de langue portugaise, d’abord à l’initiative de quelques associations, en différents points de la France, puis, à partir de 1975, grâce à l’accord franco-portugais, l’ouverture de classes de portugais tenues par des instituteurs venus du Portugal. Après la diminution drastique du nombre de ces instituteurs, opérée par le gouvernement portugais (deuxième moitié des années 80), certaines associations reprennent les cours de portugais, ce qui suscite et suscitera diverses polémiques.

Même si aujourd’hui ces cours ne sont plus fréquentés que par une minorité d’enfants d’origine portugaise en France, ils touchaient au début des années 80 quelque 30 000 enfants par an, ce qui représentait le plus important contingent d’apprenants de langue dite « d’origine ». Des dizaines de milliers d’enfants (voire plus de 100 000) ont pu suivre ces cours; les pratiques de retour annuel au Portugal pouvaient contribuer à familiariser les enfants non seulement avec la langue des parents, mais aussi avec les valeurs que l’on retrouve souvent dans la « mentalité portugaise » (ce qui ne suppose pas forcément une adhésion, mais constitue au moins une connaissance utile dans les relations sociales avec les Portugais). Le fait de connaissance et de avec leurs grands-parents  situation à laquelle les premières générations, grandies ou nées dans l’émigration, n’ont en général pas accès) est un élément important pour la reprise du sentiment d’appartenance. Or, avec le déplacement annuel au Portugal, essentiellement pendant les mois d’été, d’environ un demi-million de personnes, la communauté portugaise, constituée en France à une époque où les moyens de transport familiaux (automobile) et collectifs se sont extraordinairement développés, a pu minorer quelques unes des séquelles de l’émigration, en ce qui concerne la tendance à la perte du sentiment d’appartenance à l’identité culturelle des parents.

Ce va-et-vient a, certes, une fonction identitaire reconnue. Une enquête Ined (Yves Charbit, Marie-Antoinette Hily, Michel Poinard) vient encore une fois montrer cet aspect. La thèse qui se dégage de ces observations est celle de la reconnaissance des retrouvailles annuelles des émigrés entre eux (dispersés parfois entre plusieurs pays) et entre ceux-ci et les « permanents », comme moment et lieu privilégiés de la revitalisation de l’identité. Certains villages orientent une grande partie de leurs activités vers ces retrouvailles, dont le

succès Sera assuré par un « avant » et un « après » qui mobilisent la vie socio-économique du village. Ce ne sont pas les Portugais émigrés qui, en retournant au village, se « referment », mais c’est le village d’origine qui s’ouvre et apprend à donner une unité à la diversité que l’émigration a façonnée parmi ses fils.

L’intensité et l’extension de ces pratiques au sein d’une communauté établie en France depuis plus d’un quart de siècle, permet de caractériser celle-ci sur au moins la partie majoritaire qui a cette pratique) comme une communauté bilocalisée (un village de France – un village du Portugal). Cela veut dire – entretenir des réseaux en France Portugal (au village). Cela veut dire : agir sur deux espaces appartenant à deux Etats.

Nous ne sommes donc plus dans le cadre classique: ou bien on vit dans son Etat-nation, ou bien on émigre, et, dans ce cas, à la longue, on coupe avec la société d’origine et… on s’intègre dans le pays où l’on a immigré. Entre « intégration » et « retour », les Portugais vivent des situations intermédiaires que ni les idéologues ni les gouvernants n’ont été capables d’imaginer. En France, on mesure à peine ou pas du tout les retombées de cette pratique, et il est difficile de dire si l’on a affaire à de l’indifférence ou à de la tolérance (tolérance, parce qu’il s’agit des Portugais ?).

 LUSOPHONIE OU RESPECT DU MONOLINGUISME FRANCAIS

On observe également ces pratiques chez les Portugais travaillant dans les autres pays européens (Espagne, Suisse, Luxembourg, Allemagne, Belgique, Hollande). Ces comportements ne sont certes pas exclusifs des immigrés portugais, mais ce sont eux qui les pratiquent à une telle échelle, couvrant une large partie de l’espace européen. Ce type de rapports entre deux espaces pratiqué par les Portugais de France recoupe parfaitement les tendances actuelles de la CD modernité. D’autres immigrations, avec plus de difficultés (distance, réglementation de séjour plus contraignante), le pratiquent soit dans un mode mineur, soit sous d’autres formes (Marocains, Soninké, Turcs, etc.).

La langue portugaise, troisième langue européenne à être parlée dans le monde (après l’anglais et l’espagnol, et avant le français), mais très minoritaire dans le contexte européen (sixième langue parlée en Europe, juste après les cinq langues retenues pour devenir langues officielles de l’Union européenne), et reléguée socialement au statut de langue sans utilité particulière, est tout de même la langue d’un pays membre de l’UE. A ce titre, la lusophonie ne devrait pas être contrariée dans le contexte français. Le monolinguisme français continue certes à y faire obstacle, mais ceux qui soutiennent un usage de la lusophonie dans l’espace public français peuvent trouver, dans ce statut de langue d’un pays membre de l’UE, un point d’appui pour défendre leur opinion, et agir en

conséquence en prenant des initiatives en faveur de la lusophonie. Ces démarches seront-elles entreprises par les Portugais et admise par les pouvoirs publics français ?

Les Portugais de France sont des citoyens européens. A ce titre, pourront-ils légalement – s’ils le veulent, – défendre leur identité culturelle et mettre en place les conditions pour reproduire cette identité sur le sol français ? C’est une situation inédite pour la France : une communauté issue de l’immigration présente quelques indices incertains de minorité en formation, et, du fait du statut de ses ressortissants, originaires d’un pays membre d’une entité de regroupement régional d’Etats à laquelle appartient également la France, est potentiellement en situation de développer, pacifiquement, sa propre identité

sur le territoire d’un autre Etat-nation. Les micro-sociétés locales où la portugalité  continue à se manifester, et le va-et-vient entre le Portugal et ta France, de proportions jamais atteintes par d’autres immigrations, ont créé les conditions d’une possible reproduction d’une identité qui ne serait pas française et que l’on appellera provisoirement « des Portugais de France ».

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